La communication est un complexe mélange entre ce qui est dit, la manière dont cela est dit, comment le message est reçu, interprété et même compris. (les spécialistes du sujet pourront compléter cette définition lacunaire)
Et la communication scientifique n’y échappe pas ; notamment tout ce qui aborde la santé, sujet sensible qui nous concerne tous et qui est chargée de peurs et d’espérances.
Je vais prendre un exemple sur un sujet que je connais : les cancers.
Si je vous pose la question « Les cancers sont-ils transmissibles ? », que répondez vous ?
Normalement vous répondez « Non ». Quelle idée peu rassurante que des cancers transmissibles puissent exister…
Et pourtant vous vous trompez.
Une fois cela dit et une petite montée de stress plus tard, je vais préciser le cadre qui amène les oncologues à dire que les cancers ne sont pas transmissibles.
Seuls 3 cancers transmissibles « courants » ont étés identifiés (à ma connaissance), mais uniquement chez l’animal.
- Le premier est une tumeur transmise par la morsure entre diables de tasmanie (La tumeur faciale transmissible du Diable de Tasmanie, découverte en 1996) ;
- Le second est une tumeur transmissible par les relations sexuelles chez les chiens (ainsi que les morsures ou le léchage) ;
- Et le dernier est une sorte de leucémie que se transmettent des mollusques.
Donc vous le voyez, la non transmissibilité des cancers est factuellement fausse.
Ensuite, il est aussi possible de réfléchir à la notion de transmissibilité en tant que telle.
Parce que si les rapports sexuels chez l’humain ne transmettent pas de cancers directement, ils peuvent néanmoins s’accompagner d’une contamination au papillomavirus qui lui est responsable de cancers gynécologiques. D’ailleurs il existe la possibilité de se faire vacciner, filles ET garçons.
Et que dire du fumeur passif qui se retrouve avec un cancer du poumon du aux cigarettes qui ont étés fumées près de lui ? On résume cela par le fait qu’un fumeur passif « consomme » 1 cigarettes sur 10. (là aussi probablement un raccourci)
Ces deux exemples montrent ainsi le flou qui peut venir de la notion de « transmission » puisque là ce n’est pas une transmission « directe » du cancer, pour autant c’en est une des causes possibles.
EDIT : il existe de très trèèèèsss rares cas de transmissibilités documentés chez l’humain (autant dire exceptionnels) :
- Lors d’une greffe d’organes : les reins, les poumons, le foie et le cœur d’une donneuse ayant un cancer du sein non diagnostiqué a conduit les receveurs à développer un cancer ;
- Lors d’un accouchement, une mère atteinte d’un cancer du col de l’utérus semble avoir transmis des cellules cancéreuses qui se sont développées dans les poumons du nouveau né.
Autant dire que c’est possible mais très peu probable.
Généralement les spécialistes parlent de non transmissibilité alors qu’ils devraient ajouter « directe, non-exceptionnelle, chez l’humain ». Mais comme vous l’avez vu, cela demande des explications que tout le monde n’aura pas envie d’écouter. Et l’incertitude n’est pas forcément une chose facile à assumer.
Ces raccourcis bien que « pratiques » (simples à comprendre et rassurants) sont pourtant une pente potentiellement glissante…
Il n’y a pas longtemps je vois passer le post Facebook d’une personne bien intentionnée qui partageait un article de médecine chinoise sur la prévention des cancers.
Je vous le résume en 3 points :
- Le début de l’article indiquait que le cœur est le seul organe à ne pas avoir de cancer ;
- En médecine chinoise il existe des points d’acupuncture en relation avec le cœur ;
- Il suffit donc de stimuler ses points d’acupuncture pour prévenir ou soigner les cancers.
Quand on voit l’état dans lequel peut mettre une chimiothérapie (ou de manière générale les traitements anticancers) on comprend bien la volonté des gens d’essayer de trouver des méthodes alternatives. Surtout si elles semblent simples et beaucoup moins douloureuses…
Mais pourtant plusieurs études ont montré l’effet délétère des médecines alternatives prises pendant les cancers (en plus des traitement principaux) sur la mortalité par rapport aux traitements simples. Les pistes envisagées pour expliquer cela sont : refus de soins, retards de soins, abandons de soins et interactions avec les traitements. Un paradoxe quand on connaît l’efficacité de certaines pratiques comme soin de support (c’est à dire intégrées dans le processus de soins).
Reprenons notre exemple sur le cœur, censé être le seul organe à ne pas avoir de cancer… cette prémisse du raisonnement est fausse.
Les cancers cardiaques sont tellement rares que la majorité des gens ne pensent pas qu’ils existent, d’où le raccourci « il n’y a pas de cancer cardiaque ». Il existe pourtant des tumeurs primaires (majoritairement bénignes, et quelques malignes ; moins de 20%) ainsi que des métastases d’autres cancers qui se développent dans le cœur (dans 10% des autres cancers). Maintenant que vous avez cette information, que pensez-vous d’une théorie qui s’appuie sur une idée fausse ?
Voilà donc l’éternel dilemme de la communication : choisir entre un message simple à comprendre pour tous (mais potentiellement faux ou tronqué) et un message vrai mais plus complexe (et demandant donc un effort plus important), moins rassurant ou qui ne dit pas aux gens ce qu’ils veulent entendre.
Le problème est toujours le même : l’effet Dunning-Kruger. Les gens avec peu de connaissances pensent en savoir plus que les experts d’un sujet car ils ne sont pas capables de savoir qu’ils ne sont pas compétents.
C’est d’ailleurs pour cela que le Code de la Santé indique clairement quels sont les diplômes reconnus (proposant un cursus suffisamment complet) pour limiter la mise en danger des patients. Il est à noter que depuis 2017, le Code du Sport a lui aussi été modifié pour prendre en compte les formations permettant de proposer du sport santé et des activités physiques adaptées à des populations fragiles.